Mme Amal El Amri
Discussion générale sur les compétences et l’apprentissage tout au long de la vie
Point VI à l’ordre du jour
109ème CIT, Samedi 11 décembre 2021
Monsieur Omar Zniber President de la Conférence Internationale du Travail, Monsieur Guy Ryder, Directeur Général de l’OIT, Mesdames et Messieurs les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, mesdames et Messieurs cheville ouvrière de notre organisation,
La discussion au sein de notre groupe de travail a montré que les compétences et l’apprentissage tout au long de la vie sont d’une importance vitale pour les travailleurs du monde entier, quel que soit leur statut d’emploi, leurs professions et leur localisation. Nous ne pensions pas que ce sujet pourrait être clivant ! Néanmoins, dans ce format hybride, de de plus, nous avons eu des discussions difficiles, controversées et loin d’être consensuelles! Hier, seulement, nous sommes parvenus à surmonter certains malentendus et, au final, à nous mettre d’accord sur un ensemble de conclusions qui, nous en sommes convaincus, fourniront des orientations pertinentes aux mandants de l’OIT et au Bureau pour faire avancer la stratégie de l’OIT en matière de compétences et d’apprentissage tout au long de la vie, à un moment où le monde du travail est confronté à des défis sans précédent en raison de la pandémie et d’autres facteurs mondiaux de changement. Cette situation appelle une action collective pour construire un avenir du travail centré sur l’humain et répondant aux défis interdépendants certes, de la pandémie mais surtout exacerbés, par cette dernière dont la nécessité urgente de parvenir à une économie sans carbone et d’exploiter le potentiel de la numérisation et des nouvelles technologies pour le bien de tous.
La stratégie de l’OIT construite à partir de ces conclusions doit garantir que les compétences et l’apprentissage tout au long de la vie soient au centre des transitions numérique et climatique justes, ce qui, selon nous, est bien mis en exergue dans le texte. Les conclusions abordent, à juste titre, la reconnaissance des droits à l’éducation et à la formation, et la nécessité d’éliminer le travail des enfants comme droits et principes fondamentaux, Sans ces droits et principes, le succès serait beaucoup plus difficile à atteindre. Les références à la Conventions 140 sur le congé-éducation payé, la 142 sur le développement des ressources humaines et la Recommandation 195 qui l’accompagne, ainsi que la Recommandation 205, sont particulièrement bienvenues, tout comme la référence importante à la négociation collective qui constitue le moyen par lequel les formations sont majoritairement organisées et ceci d’une manière qui répond aux besoins des travailleurs et des employeurs. La coopération tripartite et le dialogue social dans le développement et la mise en œuvre de l’apprentissage tout au long de la vie ont aussi une place de choix dans le texte. Nous nous félicitons également des références à la Déclaration du Centenaire et à l’Appel global à l’action de 2021 qui ont contribué à ouvrir la voie à ce débat. Nous aurions aimé voir des conclusions plus ciblées et plus claires concernant les responsabilités des employeurs en matière de financement de la formation, et il est clair que les responsabilités partagées et différenciées incluses dans le texte doivent être interprétées et mises en œuvre en respectant ce principe. En effet, Les travailleurs ne doivent pas être obligés de payer pour le développement de leurs propres compétences.
Les conclusions abordent également l’importante question de l’accès pour tous à la formation tout au long de la vie et qui ne peut être effectif sans la suppression des obstacles discriminatoires entravant cet accès pour plusieurs catégories de travailleurs, notamment les travailleurs de l’économie informelle. Nous aurions préféré une référence claire aux travailleurs de plateforme. Néanmoins, le texte et en particulier les termes du paragraphe 5, couvrent ces travailleurs, notamment par la mention des « travailleurs en situation de fragilité et de vulnérabilité », ce qui est clairement le cas des travailleurs de plateforme. Nous saluons également le message clair des conclusions selon lequel tous les travailleurs engagés dans des formes incertaines de travail doivent avoir un accès effectif aux compétences et à l’apprentissage tout au long de la vie.
À cet égard, la recherche confiée au Bureau pour garantir des voies d’accès aux compétences et à l’apprentissage tout au long de la vie pour les travailleurs à temps partiel, ceux sous contrats à durée déterminée et ceux qui travaillent par l’intermédiaire d’agences d’emploi privées est une priorité pour notre groupe.
Les qualifications formelles et le travail décent pour les éducateurs et les formateurs sont essentiels et ont leur place dans ces conclusions. Cela est important non seulement dans l’économie formelle, mais aussi pour les parcours de transition du travail informel au travail formel. Des systèmes d’EFTP solides, un financement adéquat de l’apprentissage, aujourd’hui insuffisant au niveau mondial, un travail décent pour ceux qui dispensent la formation, avec la reconnaissance du rôle des organisations de travailleurs elles-mêmes dans la transmission des compétences et de l’apprentissage, sont essentiels pour garantir que les systèmes tiennent la promesse d’un travail décent pour tous. L’analyse et l’anticipation des besoins en compétences, l’utilisation de technologies avancées et l’intégration des services de conseil et d’orientation sont bien présentées dans les conclusions. Dans le même temps, elles reconnaissent la persistance de la fracture numérique et la nécessité de s’y attaquer : près de la moitié de la population mondiale ne dispose d’aucun accès ou d’un accès limité à internet, ce qui la prive de bénéficier des progrès technologiques actuels.
Les conclusions font également référence à la productivité et à son amélioration. A cet égard , il importe de souligner que bon nombre de paragraphes soulignent que la productivité doit aller de pair avec le plein emploi librement choisi et le travail décent. En ce qui concerne l’amélioration de la productivité, nous rappelons le débat que nous avons eu au sein du Conseil d’administration, à savoir que la productivité et son amélioration doivent faire partie d’une stratégie globale visant à assurer un travail décent et des revenus décents aux travailleurs.
Bien que le groupe travailleurs apprécie, probablement mieux que quiconque, l’existence de différences entre les pays, nous rappelons que l’ADN de l’OIT est la promotion des normes et des principes . Cependant, nous avons le sentiment que certaines parties du texte mettent trop l’accent sur les différences entre les pays, plutôt que sur la nécessité d’atteindre les normes les plus élevées partout. Le congé-éducation payé, bien qu’il soit par ailleurs bien référencé dans le texte, en est un exemple.
La Déclaration du Centenaire promettait un programme de transformation pour l’égalité des sexes et, étant donné la segmentation des sexes qui affecte nos marchés du travail et nos systèmes d’apprentissage, ces conclusions contribuent à réaliser les promesses de la Déclaration, même si nous aurions souhaité un langage plus fort à cet égard. Les références aux travailleurs confrontés à la discrimination et à l’exclusion, y compris les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés et les personnes en situation de fragilité et de vulnérabilité, sont porteuses d’un réel espoir que l’exclusion d’un si grand nombre d’entre eux des compétences et des possibilités d’apprentissage sera surmontée grâce à l’action de l’OIT.
Nous nous félicitons du fait que ces conclusions accordent une place centrale à des systèmes robustes, bien dotés en ressources avec notamment des enseignants qualifiés et des prestations de qualité. La reconnaissance, au paragraphe 2, du fait qu’un investissement accru dans le développement des compétences et l’apprentissage tout au long de la vie n’est pas un coût mais un investissement dans l’avenir doit guider la réponse politique à tous les niveaux. Nous souhaitons réaffirmer, comme nous l’avons fait au sein de ce groupe de travail, qu’il s’agit d’un investissement qui devrait relever de la responsabilité des employeurs et qui est également dans leur intérêt.
Les processus tripartites impliquent inévitablement des compromis et si nous constatons quelques faiblesses, les conclusions comportent de nombreux points forts. Je tiens à remercier la présidente Madame Eunice kegenyi qui a fait montre d’une grande patience tout le long de ce processus je tiens à saluer l’engagement de la porte-parole du groupe des employeurs, Mme Lindiwe Sephomolo, et des gouvernements qui se sont joints à nous dans notre volonté de garantir des systèmes de compétences et d’apprentissage tout au long de la vie accessibles non seulement aux privilégiés ou aux personnes bien placées, mais à tous les membres de toutes les sociétés du monde entier. Cela doit être un élément central pour faire avancer ces conclusions dans les délibérations du Conseil d’administration sur la stratégie à adopter.
En conclusion, Monsieur le Président, permettez-moi de remercier mon propre groupe pour la confiance qu’il m’a témoignée en me demandant de le guider dans cette discussion. Je remercie tout particulièrement les travailleurs membres du groupe de rédaction, ainsi que les équipes de la CSI, de l’Internationale de l’Education et d’ACTRAV. Permettez-moi également de remercier le Bureau ainsi que les interprètes.
Avec ces commentaires, je suis heureuse, au nom du groupe des travailleurs, de recommander ces conclusions pour adoption par la plénière de cette Conférence internationale du travail.